En suivant la rivière Todra.
Avant de former cette vaste palmeraie, l’assif° Todra traverse difficilement les gorges qu’il a pourtant façonnées au fil des siècles. Les falaises de celles-ci, qui culminent pour certaines à 300 mètres de hauteur, sont devenues le paradis des escaladeurs, faisant des gorges du Todra le principal spot d’escalade au Maroc.
Au sortir des ‘gorges’, aidé en cela par l’intarissable source de Tizgui, le Todra s’engage dans un étroit défilé avant de s’élancer quelques kilomètres plus loin dans la vallée que son cours a formée.
Si l’assif, la rivière en berbère, oued en arabe, est généralement généreux, il n’en reste pas moins capricieux.
Fin ruban de verdure sinuant dans la montagne, la palmeraie est formée de petits jardins dans lesquels commencent à pointer quelques dattiers accompagnés d’amandiers, de figuiers, d’oliviers ou encore de noyers et d’abricotiers, de pommiers, poiriers...
Les rives du Todra, elles, y sont bordées de lauriers roses superbement fleuris au printemps, d’églantiers et de canissiers et de roseaux qui amortissent l’impact de crues. Dans les petites parcelles cultivées, fèves, maïs, luzerne ou blé sont privilégiés. Il y a aussi les peupliers et le tamaris qui sont utilisés pour la menuiserie et la teinture.
Passé le canyon, à partir d’Aït Snane, la palmeraie s’élargit, dotée d’un vaste lacis de sentiers et chemins sinuant entre les parcelles. Si les dattiers, formant parfois d’imposants bosquets, et les oliviers prédominent dans le haut de la vallée, les variétés d’arbres les plus représentées sont le figuier, l’abricotier, la vigne, le pêcher, l’amandier, le noyer, le grenadier, les raisins…
Un peu plus bas, commencent à s’épanouir des cultures de menthe ou de coriandre, de fèves, de choux verts, parfois de pommes de terre, de carottes ou de navets, irriguées par un Todra sinuant à travers la vallée bordée de falaises sur lesquelles trônent, en ruine, les vieux ksour pour la plupart totalement désertés depuis plusieurs générations.
Après les falaises de Tamassinte et Tinghir, la vallée s’oriente au sud-est, flirtant avec le jbel Saghro. L’irrigation y est plus difficile malgré la nouba, les dattiers prédominent et donnent à la palmeraie un aspect plus saharien malgré les oliviers et quelques parcelles de plantes fourragères.
Pour pallier aux pénuries, un système communautaire pour une juste répartition de l’eau s’est donc institué au fil du temps, permettant à chaque tribu de la palmeraie formant une unité territoriale de pouvoir à tour de rôle irriguer ses parcelles équitablement.
Toutes les parcelles céréalières et fourragères, de fruitiers ou de plantes aromatiques sont ainsi irriguées par cet ingénieux système d’irrigation, seguia, composé de petits canaux appelés tirguiouine (pl de targwa).
Le système qui régit la répartition de l’eau s’appelle nouba. Un amghar, un homme respecté par tous, est désigné dans chaque tribu, surveille le bon fonctionnement de cette répartition du précieux liquide dans chaque parcelle, il peut aussi administrer des amendes pour le non-respect de ce code coutumier. De nombreux puits, parfois à plus de 50 mètres de profondeur, parsèment la palmeraie, servant de supplétifs à certains moments.

Tizgui El Oulia, à la source de la palmeraie.
Si dans la palmeraie le moyen de transport privilégié des récoltes sont de petits ânes, ces lieux extraordinaires sont le paradis des oiseaux.
Du fait de la rareté de la végétation dans les milieux arides environnants et de la variété de celle-ci dans les parcelles cultivées et les vergers, la palmeraie abrite un grand nombre d’espèces nicheuses
Cailles, mésanges, charbonnières, huppes, par exemple, y nichent régulièrement. Parmi les autres espèces, qu’elles soient sédentaires ou migratrices, les plus remarquables sont : l’outarde herbera, le guêpier de Perse, l’hirondelle du désert, le traquet, l’alouette…
Parfois, le corbeau brun se laisse voir, quant à l’aigle royal, il est si rare qu’il semble avoir disparu. Il faut ajouter tous les oiseaux migrateurs qui survolent la vallée tels le pigeon biset, la perdrix, la fauvette et l’hirondelle ainsi que les oiseaux nocturnes comme le hibou ou ce mammifère volant qu’est la chauve-souris.
La palmeraie de Tinghir est riche d’écosystèmes à la biodiversité dense et variée ; relativement préservée, la seule pollution visible dont elle semble souffrir, sont les multiples dépôts d’ordures ménagères qui parsèment ses proches alentours ainsi que les rives du Todra, sans parler des lessives…
